mardi 30 avril 2013

Chapitre 6



Jalousie des chefs envers Daniel : v 1 à 10

Belshatsar tué, Darius, le Mède, lui succéda à la tête d’un nouvel empire. Afin d’en assurer la cohésion et l’unité, Darius désigna 120 gouverneurs (appelés satrapes) chargés de faire appliquer les lois et la politique du royaume. Les 120 satrapes furent placés sous l’autorité d’un triumvirat de trois chefs choisis, parmi lesquels se trouvait Daniel, auxquel ils devaient rendre compte de leur administration. A la recherche d’hommes compétents, Darius n’avait pas tardé à remarquer la supériorité spirituelle de Daniel, le juif.

La nomination de Daniel à ce nouveau poste d’autorité ne fit pas des heureux. Pour les deux autres chefs comme pour tous les satrapes, Daniel devint l’homme à abattre. Le texte ne nous donne pas la raison de cette hostilité unanime contre sa personne. Il y a fort à parier qu’elle soit faite à la fois de mépris pour sa race et de jalousie à l’égard de sa personne. Etre sous l’autorité d’un Juif, devoir lui rendre compte de son administration étaient plus que ses gouverneurs païens ne pouvaient supporter. Pour le renverser de son poste, les ennemis de Daniel n’avaient qu’une seule possibilité : trouver en lui une faute constituant un motif d’accusation suffisamment grave pour obliger Darius à le destituer.

Bien que nombreux et motivés, les adversaires de Daniel ne trouvèrent rien dans la façon dont Daniel assumait ses responsabilités qui puissent servir leur projet. Daniel était irréprochable. Il ne commettait ni infraction, ni écart. Il surpassait ses ennemis, non seulement par son intelligence spirituelle, mais encore par son intégrité. Incapables de le prendre en faute dans le domaine de sa charge, les ennemis de Daniel n’eurent plus qu’un recours pour le faire tomber : trouver dans sa vie privée une faille qui le mette dans l’illégalité quant à la loi du royaume. Comme il n’y en avait pas, la coalition en créa une. Au nom de tous les chefs, une loi nouvelle fut proposée au roi ordonnant que quiconque fut trouvé, dans les 30 jours, en train d’adresser des prières à quelqu’un d’autre que lui, soit jeté dans la fosse aux lions. Le roi commit ici une double erreur : il ne vérifia pas si l’unanimité avancée par les promoteurs de la loi était réelle (s’il avait interrogé Daniel, qu’il estimait, il se serait aperçu de la supercherie et aurait rapidement discerné les motivations qui en étaient à l’origine), il ne réfléchit pas au caractère insensé du projet de loi (il ne vit que la flatterie qu’il représentait pour son égo).

La manière d’agir des ennemis de Daniel nous en dit long sur la différence de modèle de gouvernance existant entre le royaume de Babylone et celui des Mèdes et des Perses. Sous Nabuchodonosor, la dictature du régime était exercée par un homme. Souverain sur tout et tous, le roi décidait selon son bon plaisir ce à quoi ses administrés devaient se soumettre : Daniel 3,1-2. Sous Darius, c’est par l’entremise de la loi que la dictature s’impose. Irrévocable, la loi est souveraine sur tous les sujets du royaume, le roi y compris. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Si certains régimes fonctionnent comme celui de Nabuchodonosor, d’autres, sous l’apparence de la démocratie, le font comme celui de Darius. La suite du récit le démontre : l’un n’est pas meilleur que l’autre. Les deux peuvent se montrer aussi répressifs à l’égard des opposants et des récalcitrants à leur volonté !

Daniel dénoncé au roi : v 11 à 19

Le décret de loi publié, Daniel ne changea rien à ses habitudes. Trois fois par jour, il se retirait chez lui pour continuer à prier et louer son Dieu, orienté vers Jérusalem. Bien qu’exilé loin de son pays depuis des années, Daniel n’avait en rien renié son identité juive. Ses adversaires, qui le connaissaient, le savaient : Daniel était trop attaché à son Dieu et à sa foi pour se laisser impressionner par un interdit et infléchir l’exercice quotidien de sa piété. La régularité à laquelle il s’y adonnait fit que ses ennemis ne durent pas attendre longtemps pour le surprendre en flagrant délit de transgression de la loi nouvelle promulguée. Daniel fut dénoncé à Darius.

Suite à cette délation, Darius comprit la motivation qui était à l’origine du projet de loi des chefs. Derrière lui, le but poursuivi était unique : non l’unité du royaume ou la gloire du souverain, mais la destitution de Daniel de la position qu’il occupait et sa mort. Connaissant la valeur irremplaçable de l’homme, Darius en fut très affecté. Il tergiversa, chercha toute la nuit une solution pour éviter à Daniel la sanction prévue par la loi. Mais il ne trouva aucune issue. Ce n’était pas seulement Daniel, mais lui-même qui était pris au piège du système par lequel s’exerçait le gouvernement du royaume. Sous peine de discrédit et de trahison à la propre loi de l’empire, Darius, la mort dans l’âme, dut s’exécuter. Désormais, il le savait, une seule instance pouvait sortir le prophète du guêpier dans lequel il se trouvait : le Dieu de Daniel. C’est à Lui que, contre lui-même, Darius s’en remit, tout en livrant Daniel aux lions !

Délivrance miraculeuse de Daniel : v 20 à 29

On n’est jamais déçu quand, dans l’impasse, on s’en remet totalement et exclusivement à Dieu. Bien que païen, Darius est, par son attitude, l’exemple même de la façon avec laquelle un croyant doit se comporter dans son attente du secours de Dieu. Premier responsable du malheur qui arrive à Daniel, Darius a d’abord cherché lui-même à corriger son erreur. Pris au piège, il a manifesté tout le remords et la tristesse pour les préjudices que sa décision irréfléchie a occasionnés à Daniel. Impuissant pour changer la situation, il l’a remise à Dieu, priant que la fidélité de son serviteur à Sa Personne soit récompensée. Enfin, profondément affecté, il a passé la nuit d’attente qui le séparait du moment où Daniel fut jeté dans la fosse aux lions jusqu’à celui du constat de ce qui lui est advenu, dans le jeûne, l’insomnie et l’angoisse.

A la lecture du récit, nous ne savons pas dans quels sentiments Daniel a vécu l’épreuve. Tout l’accent porte sur l’attitude de Darius, son apprentissage dans la foi et la connaissance du Dieu de Daniel. Connaissant Daniel, nul doute qu’à l’image de ses amis : Daniel 3,16 à 18, celui-ci était prêt à payer de sa vie son attachement à Dieu. Mais, comme Il l’a fait pour les deux rois précédents, Dieu voulait par Daniel se révéler à Darius. Il exaucera donc la prière de dernier recours, telle une bouteille jetée à la mer, du souverain.

La nuit passée, une seule pensée occupait l’esprit de Darius : qu’était-il advenu de Daniel ? Plein d’inquiétude, le roi s’approcha de la fosse, tiraillé entre l’espérance du miracle et la crainte de faire face à l’inéluctable. S’adressant à Daniel, il voulait avoir la réponse au souhait de la foi qu’il avait adressé à Dieu pour lui. Le Dieu de Daniel avait-il sauvé son serviteur ? Etait-il descendu avec lui dans la fosse pour le garder ? L’attente ne durera pas ! Au lieu du silence, la voix sereine et vivante de Daniel se fit entendre ! Oui, Dieu, le Dieu de Daniel, avait agi ! Il avait fermé la gueule aux lions qui n’avaient fait aucun mal à Son serviteur. Subjugué, le roi ordonna qu’on sorte au plus vite Daniel de là. Au-delà de la délivrance, l’innocence de Daniel, face aux accusations de rébellion portées contre lui, était établie. Dieu avait tranché : les mauvais n’étaient dans l’affaire, ni Daniel, ni Darius, mais les accusateurs jaloux du prophète. Le roi ne fit pas de quartier. Il appliqua à leur encontre la loi du talion et ordonna que ceux-ci, avec leurs familles, soient jetés vivants dans la fosse aux lions. Ils n’eurent pas le temps d’arriver au fond. Les lions s’étaient jetés sur eux et avaient brisés leurs os en pleine chute.

La fin des ennemis de Daniel ne fit que confirmer le témoignage rendu à Dieu par la délivrance miraculeuse du prophète. A l’instar de Nabuchodonosor, après la sortie des amis de Daniel de la fournaise ardente : Daniel 3,29, Darius ordonna à tous les sujets de son empire que le plus grand respect soit montré envers le Dieu de Daniel, le Dieu vivant, éternel qui, seul, peut faire des prodiges.

Alors que se termine ici le récit des aventures de Daniel et ses amis, une leçon s’impose. Il arrive souvent que, devant la menace de la persécution, nous prions que les croyants soient épargnés. Le témoignage de Daniel et ses amis est là pour dire que ce n’est pas en en évitant à Ses fidèles l’épreuve que Dieu se révèle de la façon la plus magistrale, mais en la traversant avec eux ! Dieu n’est jamais aussi réel et aussi proche de nous que dans les situations les plus impossibles. C’est dans les détresses les plus extrêmes que la vie de la foi est la plus grande. Sans Lui, Jésus nous l’a dit, nous ne pouvons rien faire : Jean 15,5. Heureux celui qui en fait l’expérience !

jeudi 25 avril 2013

Chapitre 5



Banquet du roi Belshatsar : v 1 à 9

Nabuchodonosor disparu, Belshatsar monta sur le trône vacant et devint la figure principale du royaume de Babylone. On pourrait penser que le nouveau roi a pris acte des expériences de son prédécesseur. Il n’en est rien. Comme beaucoup d’autres le font, Belshatsar entre dans son règne comme si, avec lui, une nouvelle page s’écrivait. Pour n’avoir ni la sagesse, ni l’humilité d’apprendre de celui qui l’a précédé, il ira de manière rapide et imbécile vers son jugement. L’histoire juxtaposée des deux rois est riche d’enseignement. Elle souligne le fait que lorsque la nouvelle génération qui se lève n’apprend pas des fautes et des erreurs de celle qui l’a précédée, la catastrophe survient pour elle de manière plus radicale. En refusant d’apprendre de celle qui l’a précédée, la nouvelle génération ne devient pas plus intelligente, mais plus stupide. Si Nabuchodonosor est corrigible, Dieu va estimer que Belshatsar ne l’est pas. Bien qu’arrogant et fier, Nabuchodonosor n’était pas un imbécile. Ce dont il se vantait était, hormis le fait que tout est dû à Dieu, d’une certaine façon justifié. C’était lui qui avait donné à Babylone sa grandeur, son lustre dans le monde. Belshatsar, qui lui succéda, n’avait rien fait en comparaison. Comme un enfant gâté, il avait juste hérité des richesses acquises par le père de la nation. Il n’en connaissait ni la valeur, et n’avait aucune conscience de la fragilité de leur pérennité. Immature et nain en comparaison de son prédécesseur, il va bêtement et en un instant gaspiller l’héritage reçu. Il ne fera, par sa stupidité, qu’accomplir la vision donnée des années auparavant par Dieu à son ancêtre : Daniel 2,38-39.

Un facteur commun réunit Belshatsar, Assuérus et Hérode, trois dirigeants païens, dans le processus qui les conduira à commettre une lourde faute : l’alcool : Esther 1,10 ; Marc 6,21 à 22. Les trois prirent une décision malheureuse alors qu’ils étaient en train de faire la fête et que l’alcool leur tournait la tête. Si, pour le second, la décision connut un dénouement heureux, Belshatsar et Hérode paieront cher la légèreté avec laquelle ils se seront exprimés. Il y a toujours danger à être rempli d’autre chose que de la crainte ou de l’Esprit de Dieu. Le vin, l’alcool en particulier est source de grandes folies, regrettables parfois le reste de ses jours. Job, qui connaissait les pouvoirs dévastateurs de l’euphorie, ne manquait pas d’intercéder avec ferveur pour ses fils et ses filles suite à leurs moment de fêtes : Job 1,4-5.

L’imbécilité, l’euphorie rendent l’homme vulgaire et inconscient de la gravité de ses actes. Le réveil va être à la hauteur de la folie. Oublieux de l’existence d’une frontière entre le sacré et le profane, Belshatsar, pour épater la galerie, va commettre l’irréparable. Ordonnant qu’on lui apporte les coupes d’or et d’argent rapportées du temple de Jérusalem, il va défier Dieu en offrant à ses amis de trinquer avec elles à la gloire des idoles de son royaume ! Belshatsar est le type même du moqueur ! Alors qu’il dit ne pas croire au Dieu de la Bible, il ne peut s’empêcher dans ses pires excès de le prendre pour cible de sa raillerie. Mal lui en prendra ! Car, quoi qu’on sache de Dieu, on ne se moque pas impunément de Lui. La faute du roi n’est pas due à l’ignorance. Elle est une provocation qui appelle une juste réponse du concerné. A la consternation de tous, elle se manifestera sur le champ.

Enfermé dans les limites étroites de son univers, on peut faire le malin face à Dieu. Tous autres sont les sentiments qui nous habitent lorsque, soudain, on se trouve face à Lui. La morgue s’efface pour faire place à la terreur. S’il semble que l’on puisse tout se permettre à l’égard de Dieu, que le moqueur le sache : vient inévitablement le moment où Dieu va parler. Qui doit faire face à Dieu et rendre compte de la folie de ses actes doit le savoir : c’est la chose la plus terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant et courroucé : Hébreux 10,31. Unique responsable de sa folie, Belshatsar est aussi seul à l’affronter. Aucun de ses sages n’est en mesure de lui fournir l’explication des mots que la main du juge vient d’écrire sur le mur de chaux de la salle des fêtes. L’heure est venue pour le roi de connaître ce qu’il aurait dû avoir le soin d’apprendre avant de monter sur le trône !

Appel à Daniel : v 10 à 16

Si le roi Belshatsar, entrant dans son règne, a fait fi du passé et de la sagesse que les expériences de son père auraient pu lui procurer, tous n’ont pas eu cette amnésie. Le souvenir du témoignage laissé par Daniel au temps de Nabuchodonosor est bien présent dans la mémoire de la reine. Elle suggère donc au roi de faire appel à lui pour résoudre l’énigme que représentent les mots inscrits sur le mur du palais par la main surnaturelle. Pour convaincre le roi, la reine ne va pas dans la modestie au sujet du prophète hébreu. Daniel est pour elle quelqu’un de nettement supérieur à tous les autres sages. Il est habité ce qu’aucun autre ne possède : des lumières, de l’intelligence, une sagesse divine et une faculté hors du commun de comprendre et d’interpréter les visions.

Si, pour un temps, ce que Dieu a fait a été oublié, il suffit parfois de peu pour que cela soit rappelé au bon souvenir de ceux qui voudraient en oblitérer la mémoire. Les hommes passent, les œuvres de Dieu subsistent d’âge en âge. Il a pris soin par sa Parole de conserver pour toutes les générations le souvenir de Ses hauts faits dans l’histoire. Depuis longtemps, Moïse, Elie ou Daniel ne sont plus. Mais le témoignage de leur vécu avec Dieu, comme celui du premier qui a cru, parle encore : Hébreux 11,4. Le ciel, la terre, les royaumes, les rois, les dictateurs passeront, mais la Parole de Dieu, d’âge en âge, subsiste. Si aucune parole de Dieu ne tombe à terre : 1 Samuel 3,19 ; Esaïe 55,11, il en est de même pour chacune de Ses œuvres. Croyons que là où nous avons agi sous le coup de l’inspiration auprès d’une personne pour Lui rendre témoignage de Christ, notre parole n’est pas perdue. Dieu peut à tout moment susciter une circonstance propre à la rappeler et à l’actualiser. Oublié de la fête, Daniel va en devenir la figure centrale. Le malheur aurait pu être évité à Belshatsar si, dès le début, il avait opté pour qu’il en soit ainsi. Oublier Dieu, le mettre de côté, c’est se passer volontairement de la pièce centrale de toute entreprise, celle sans laquelle rien ne peut durer. Que la faute de Belshatsar nous enseigne à placer en toutes choses dans nos vies la priorité des priorités : la seigneurie de Dieu sur nos vies !

Explications de Daniel : v 17 à 30

Soulagé par l’opportunité d’avoir par Daniel une explication aux mots écrits sur le mur du palais par la main surnaturelle, Belshatsar est prêt à élever le prophète à la plus haute place d’autorité possible dans son royaume. Daniel, qui ne comptait pour rien jusqu’alors, a soudainement aux yeux du roi un prix inestimable. Ainsi en sera-t-il, au jour du jugement, pour tous ceux qui, dans le temps de leur tranquillité, méprisaient Dieu. Ce qui n’avait aucune valeur à leurs yeux deviendra, selon l’ordre logique des choses, le sujet central de leur préoccupation : cf Luc 16,19 à 31. Heureux celui qui, dès maintenant, sait donner à Dieu, dans l’ordre des priorités, la première place !

L’offre de promotion que fait le roi à Daniel ne l’intéresse pas. Il la déclinera. Daniel n’est pas achetable. Pour qui possède la richesse de la connaissance de Dieu, les honneurs et les richesses de ce monde sont sans valeur : Genèse 14,21 à 23. C’est par fidélité à Dieu et à la mission de témoin qu’Il lui a donné que Daniel s’acquittera de son service, et non pour quelque intérêt que ce soit.

Daniel ne dira pas autre chose au roi que ce que j’ai dit au début du chapitre. Les mots inscrits sur le mur de chaux de la salle de la profanation sont sans appel pour le roi. Contrairement à ce qui fut accordé à son père, Belshatsar ne bénéficiera d’aucune grâce, d’aucun délai pour se repentir. Belshatsar était l’héritier de son père, de son royaume et de son trône certes, mais aussi de son vécu, des leçons de sagesse que Dieu lui avait enseignées. Ayant méprisé cet héritage de la plus ignoble et stupide manière, il doit en payer le prix. Daniel est formel : pesé à la balance de Dieu, le roi a été trouvé trop léger. Le règne de Belshatsar, indigne de sa fonction, lui sera donc retiré pour être confié à d’autres. La prophétie de Daniel n’est pas vague, mais précise. Elle va jusqu’à identifier la puissance qui va renverser l’empire babylonien : les Mèdes et les Perses.

Subjugué par le pouvoir de révélation que possède Daniel, Belshatsar ordonne qu’il soit élevé au rang qu’il lui a promis. En vain ! La nuit même de son outrage à Dieu, les Mèdes et les Perses passeront à l’attaque et le roi sera tué ! Le « trop tard » de Dieu avait sonné pour lui !

lundi 22 avril 2013

Chapitre 4



Ce chapitre est le dernier qui rapporte les faits et les événements de la période de vie du prophète Daniel qui eut cours sous le règne du roi Nabuchodonosor. Commencée avec la déportation d’Israël du prophète et ses trois amis vers le royaume de Babylone, la période se conclut par le témoignage que le roi païen rend au Dieu suprême. Retournement stupéfiant et glorieux de l’histoire ! Ceux que l’on croyait faibles, sans force (Daniel et ses amis) se montrent comme les acteurs clés de l’histoire, et celui qui était considéré comme le dominateur souverain se trouve réduit à l’impuissance. Le vrai Maître et Seigneur, le Dieu suprême est révélé. Qui Lui appartient n’a rien à craindre des hommes : il est de facto du côté du victorieux. Le témoignage de Nabuchodonosor le met en lumière : il est impossible de séparer Dieu des Siens. Là où sont les enfants et les serviteurs de Dieu, là Il se trouve, au bon plaisir ou non de Ses adversaires. Les philistins dans le passé, sous une autre forme, en ont fait l’amère expérience : 1 Samuel 5 et 6. Que la certitude de la présence souveraine et personnelle de Dieu avec nous soit aujourd’hui la force de tous les témoins contraints à vivre contre leur gré dans des lieux et des circonstances qu’ils n’auraient pas choisi !

Avant de passer aux faits, le témoignage du roi débute par une déclaration forte sur ses intentions. La forme utilisée ici par Nabuchodonosor (la proclamation) et les destinataires auxquels il s’adresse, l’accrédite : ce qu’il exprime ici est de la plus haute importance. La déclaration qu’il fait a la valeur d’une vérité à laquelle il désire que tous ceux qui vivent sous sa souveraineté adhèrent. Elle est la conclusion à laquelle toute l’expérience de sa vie l’a amené. Nabuchodonosor n’a qu’un objectif en proclamant la conviction à laquelle son vécu l’a conduit : que la gloire qui revient de droit à Dieu Lui soit rendue, que l’Eternel, le Dieu d’Israël, soit reconnu pour ce qu’Il est, le Dieu unique et vrai ! Cette fin visée par le roi sera aussi celle à laquelle, selon l’apôtre Paul, aboutira l’histoire au sujet de Jésus, le Fils de Dieu : Philippiens 2,9 à 11. Heureux celui qui, dès maintenant, peut la faire sienne !

Le second rêve du roi : v 4 à 18

Le second rêve du roi met en lumière l’autorité qu’a acquise Daniel, depuis l’interprétation du premier songe, à Babylone. Même s’il y a loin d’un brisement total chez le roi, les diverses expériences par lesquelles il est passé avec Daniel et ses amis ont produit un effet bénéfique dans son cœur. Nabuchodonosor ne manifeste plus l’arrogance du passé. Il fait toujours appel à ses sages pour discerner le sens du songe qui l’a troublé, mais il ne fait plus preuve ni d’exigences inconsidérées, ni de menaces extrêmes au cas où il ne serait pas satisfait de leurs réponses : cf Daniel 2,5. Le vécu qu’il a de la réalité de Dieu, la présence de Daniel dans son royaume lui procurent une sécurité qui désamorce le stress qu’engendre chez lui la peur de l’inconnu.

Alors qu’il sait que Daniel est là, Nabuchodonosor choisit volontairement de ne pas s’adresser à lui en premier lieu pour comprendre la signification du nouveau rêve dont il a été l’objet. Ce choix pose question. Le roi de Babylone répugne-t-il encore à faire appel aux bons services d’un Juif déporté ? Ne le fait-il que par nécessité, en dernier recours, parce qu’il fait le constat désabusé qu’il n’a pas d’autres choix ? Chaque sollicitation de Daniel est quelque part un aveu de l’impuissance des dieux de Babylone à résoudre les grandes énigmes auxquelles il est confronté. Le fait que Daniel passe en dernier peut aussi avoir une autre raison. Elle tient à l’humilité de celui-ci. Bien que supérieur à tous les sages, Daniel n’est pas chaldéen. En tant qu’étranger, il tient à garder sa juste place sur le plan de la légitimité.  Daniel possède cependant un avantage sur ses « collègues ». Liés aux rois pour la pérennité de leurs charges, les sages du royaume n’ont pas vocation à être pour lui des porteurs de mauvaises nouvelles. Ils se doivent d’être positifs : cf 1 Rois 22,5 à 9. Seule l’indépendance d’un Daniel, dont l’allégeance est à Dieu, garantit au roi la certitude que la vérité toute crue lui sera dite : cf 1 Samuel 3,15 à 18.

Le second rêve du roi lui est donné pour une dernière raison. Jusque là, Nabuchodonosor n’a pas pleinement saisi qui est vraiment le Dieu de Daniel. Il le dit en préambule de son témoignage. C’est l’expérience par laquelle il va passer, qui est la réalisation concrète de son rêve, qui va l’y conduire. Avant celle-ci, Daniel est perçu par le roi comme un sage supérieur aux autres, mais pas encore comme le serviteur du seul et unique Dieu. Le monothéisme que le roi semble avoir confessé un temps : Daniel 2,47 n’est pas encore ancré en lui comme une certitude. Daniel, croit-il, a en lui le souffle, l’esprit des dieux saints, d’une catégorie de dieux supérieurs. Il faudra un brisement et une humiliation profonde pour que Nabuchodonosor reconnaisse qu’il y a ici plus que cela.

Explication du rêve : v 19 à 27

Si le premier rêve du roi touchait à son empire et ceux qui lui succéderaient, le second a une portée plus personnelle. Le symbole choisi par Dieu pour illustrer le message qu’il veut faire passer à Nabuchodonosor n’est plus statique (une statue), mais vivant (un arbre). La statue impressionne par son aspect colossal. L’arbre l’est aussi, mais l’image ajoute à cet aspect un caractère de vie, de sécurité, d’abri pour tous ceux qui vivent sous sa ramure. Tel est, dit Daniel, Nabuchodonosor pour tous ceux sur qui s’étend sa royauté.

La grandeur et la gloire attachées à son nom n’apportent pas que de l’ombre à ceux qui s’abritent sous ses branches. Daniel avertit le roi qu’elle en fait aussi à Dieu, le véritable souverain. Il y a toujours danger pour celui qui côtoie les étoiles de se prendre pour un dieu et d’oublier qu’il n’est qu’une simple créature : cf Esaïe 14,12 à 14. Daniel prophétise au roi un abaissement qui va le lui rappeler. Au faîte de sa grandeur, Nabuchodonosor sera humilié comme jamais. Par une folie soudaine, il sera ravalé au rang d’un animal. Le message de Dieu à l’adresse du roi est préventif. Celui-ci peut dans l’instant travailler à ce qu’il ne se réalise pas. Il suffit au roi d’en saisir la gravité et de tout mettre en œuvre pour changer de politique et de comportement, surtout envers les plus faibles de son royaume.

Notons que si Daniel est chargé d’apporter un message d’avertissement à Nabuchodonosor, il ne prend à aucun moment l’attitude de quelqu’un qui s’en réjouit. Au contraire ! Il fait preuve à l’égard du souverain d’une véritable empathie. Chargé de dire la vérité au roi de la part de Dieu, Daniel n’en oublie pas pour autant l’amour. Fidèle à sa mission, il l’accomplit en ne cachant rien de ses émotions. Le message ne lui est pas destiné, mais il le bouleverse tant qu’il en est affecté comme si c’était le cas. L’attitude de Daniel nous rappelle à quel point le porteur du message de Dieu est inséparable de son contenu. Nous ne sommes pas juste les hérauts de Dieu. Nous sommes des médiateurs entre Dieu et les hommes. Autant nous devons être pénétrés par l’Esprit et la Parole de Dieu, autant nous devons nous identifier à ceux à qui nous nous adressons. Amour pour Dieu et pour notre prochain doivent former en nous une unité indivisible. Ce que je dis aux hommes de la part de Dieu doit porter en lui à la fois le sentiment de la gravité divine et celui de l’identification humaine. A l’image de Christ, unique vrai médiateur entre Dieu et les hommes : 1 Timothée 2,5, nous sommes porteurs d’une double nature. Nous sommes à la fois fils de Dieu et fils d’homme. Que Dieu nous aide, à la place où il nous a mis, à ne pas privilégier l’un au point de léser l’autre !

Quoique la vision parle d’un châtiment sévère, elle ne laisse pas le roi sans espoir. Il y a toujours dans les paroles les plus sévères de Dieu, destinées à corriger, une note et une perspective de grâce. C’est vrai pour Israël : Deutéronome 30, c’est vrai aussi ici pour Nabuchodonosor. Après que l’arbre ait été abattu, le rêve révèle que sa souche restera, avec ses racines en terre : v 12. Il ne sera pas totalement détruit, mais subsistera et se relèvera. Le but de Dieu n’est pas que le méchant meurt, mais qu’il se convertisse et qu’il vive : Ezéchiel 18,23 ; 33,11.

L’histoire va montrer que, comme beaucoup de souverains, le roi n’écoutera pas. Son orgueil le lui interdit. Ce serait trop perdre la face. Ce qu’il n’a pas voulu faire de lui-même, Dieu l’y contraindra avec sévérité. On a toujours avantage à écouter Dieu ! Car, tôt ou tard, que nous le voulions ou non, nous devrons Lui céder et confesser que ce n’est pas nous qui sommes Dieu et Seigneur, mais Lui seul : cf Philippiens 2,9 à 11.

La réalisation du rêve : v 28 à 33

Sortie de la bouche de Dieu, la parole est en route vers son accomplissement. La parole de Dieu n’est jamais dite en vain. Partie de Dieu, elle ne revient vers Lui qu’après avoir fait ce qu’Il a dit, réalisé ce pour quoi elle a été envoyée : Esaïe 55,11. Nabuchodonosor qui, à deux reprises, a eu l’occasion de voir le Dieu de Daniel à l’œuvre, aurait dû le pressentir. Mais il est comme nous et comme la plupart des humains. Tant que nous ne sommes pas placés devant les faits, nous persistons à croire que les menaces de Dieu ne sont que des paroles données pour faire peur. Tels sont les moqueurs des derniers temps qui, à l’écoute du message du jugement, se convainquent, à cause des siècles qui sont passés depuis que l’annonce a été faite, qu’il n’aura jamais lieu : 2 Pierre 3,3-4. Soyons-en cependant persuadés : le jour du Seigneur viendra : 2 Pierre 3,10.

Sans être moqueur, il est possible que, les mois s’écoulant, Nabuchodonosor ait oublié le rêve qu’il fit et l’explication que lui en donna Daniel. Nous ne devrions jamais mépriser une parole reçue de la part de Dieu. Lorsque Dieu nous parle, il a un but. Il vise à ce que, immédiatement, nous nous mettions à l’œuvre pour mettre en pratique ce que nous avons entendu. A celui-là seul qui procède de la sorte, le bonheur est garanti : Jacques 1,25. Mais à celui qui écoute et qui oublie, il est inévitable qu’un jour, tôt ou tard, la parole de Dieu le rattrape. Que nous nous y conformions ou que nous la méprisions, soyons-en sûrs : la parole de Dieu se réalisera. Il ne parle jamais en vain !

Ce qui a perdu Nabuchodonosor était couru d’avance. Le roi, pour se perdre, n’avait pas besoin de quoi que ce soit de neuf dans sa vie. Il lui suffisait de continuer à être ce qu’il était. C’est ce qui se produisit, un matin comme les autres matins. Subjugué par la vue de Babylone qui s’étalait sous ses yeux, le roi se mit à exprimer à voix haute toute l’admiration qu’il se portait. A l’instant même, la parole orgueilleuse du roi entra en collision avec la parole souveraine de Dieu. Les dégâts furent à la hauteur de ce qui avait été annoncé. Frappé sur place, le roi perdit à l’instant ce qui faisait sa dignité et son humanité. A se vouloir l’égal de Dieu, il fut réduit à n’être qu’un animal. Son orgueil le fit basculer dans une telle folie qu’il fut chassé de son trône. Pour être terrible, l’humiliation n’avait qu’un but : que Nabuchodonosor, au lieu de se prendre pour un dieu, retrouve sa juste place, celle d’une simple créature. Or, le propre de toute créature, comme veut le rappeler Dieu au roi, est de ne pas être suffisante à elle-même, mais d’être consciente de sa totale dépendance de Dieu. Le rappel sévère à cette réalité ira pour le roi jusqu’à la perte de la raison.

Sommes-nous conscients de notre dépendance totale de Dieu ? Faisons-nous nôtres les paroles de Jean selon lesquelles un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel : Jean 3,27 ? Souscrivons-nous au témoignage de Paul affirmant que c’est par la grâce de Dieu seule que nous sommes ce que nous sommes : 1 Corinthiens 15,10 ?

Guérison et rétablissement du roi : v 34 à 37

Daniel avait prévenu le roi ! S’il ne changeait pas profondément d’attitude et de comportement, il serait délogé de sa place. L’humiliation ne serait pas brève. Elle durerait sept temps, ce qui correspond à sept années pleines : 4,22. Le délai fut tenu. Nous pourrions juger l’attitude de Dieu trop inflexible, dénuée de compassion. Nous aurions tort ! Il se peut, qu’étant malade, nous estimions que le traitement prescrit par le médecin soit trop sévère. C’est à son efficacité, et non selon le critère de  notre convenance, que celui-ci le juge adapté. Dieu n’agit jamais de façon arbitraire. Il sait exactement ce qui, dans l’arsenal des moyens qu’il a à sa disposition, est le plus à même d’opérer la guérison de notre folie. Pour se faire, le traitement ne doit pas être abrégé. Il doit se poursuivre jusqu’à ce que le but soit atteint. Le fruit qui résulte de l’humiliation subie par Nabuchodonosor justifie le bien-fondé de la rudesse du châtiment employé.

Après sept années vécues la tête par terre, le début du rétablissement du roi s’opéra lorsqu’il leva les yeux vers le ciel : v 34. Nous ne sommes jamais autant à notre juste place qu’au moment où nous mesurons l’infinie distance qui nous sépare, en tant que créatures, de Dieu notre Créateur. Convaincu de son néant, le fier Nabuchodonosor exprima les mots qui convenaient à sa condition face à celle de Dieu. Il ne se célébra plus lui-même, mais le seul qui est digne de l’être : Celui à qui appartient la domination véritable, qui est souverain sur tous les êtres créés, et à qui nul ne peut impunément résister ! Délivré de son orgueil, il le fut en même temps de sa folie. La cause guérie, les effets disparurent. Ayant retrouvé une raison saine, le roi, demandé par ses sujets, fut rétabli dans sa charge ! Au-delà de sa suffisance, il semble qu’il n’y avait pas plus capable que lui pour diriger le royaume ! Rétabli dans sa position élevée, Nabuchodonosor sut rester dans les limites que Dieu lui fixa. Quelle que soit la place que nous occupions, que la leçon qu’il apprit, celle de vivre de la grâce de Dieu, soit le principe à partir duquel nous vivions aussi.