Humiliation et prière de Daniel : v 1 à 19
Si Daniel fut le sujet de grandes visions, c’était, dans le
quotidien de sa vie, la Parole de Dieu qui faisait l’objet de sa méditation. La
relation de Daniel avec Dieu ne fonctionnait pas sur un autre mode que le
nôtre. La Parole de Dieu était la nourriture de la foi, de l’espérance du
prophète. Dieu, selon le dessein particulier qu’Il avait en vue pour Daniel,
l’enseigna par de grandes visions. Mais celles-ci ne se substituaient pas à la
Parole déjà révélée. Elles la complétaient, dans un temps où tout n’avait pas
encore été dit : cf Hébreux 1,1-2. Ce
chapitre en témoigne qui ajoute à la révélation reçue par la Parole, la vision
qui l’explicite.
Si la vision s’impose d’elle-même de l’extérieur, le propre
de la Parole est d’agir à l’intérieur. Par la vision, Dieu présente au regard
du prophète une réalité qu’il ne connaît et ne comprend pas toujours. Le
prophète devient alors un spectateur qui raconte. Le travail qu’opère la
méditation de la Parole est tout autre. La Parole s’adresse au cœur, à
l’esprit, à la conscience du prophète. Elle éveille en lui des pensées, des
sentiments qui, par son éclairage, le saisissent et en font un acteur de
l’œuvre de Dieu. La Parole est comme une nourriture que l’on ingère, que l’on
assimile et qui, ensuite, devient partie intégrante de notre être. La vision
fait davantage de celui qui la reçoit un sujet passif. Le prophète voit, décrit
et transmet. Ce chapitre, qui nous rapporte la plus longue prière qui ait été
formulée par Daniel, est le témoignage du travail intérieur profond qu’opèrent
la lecture et la méditation de l’Ecriture. Seule la Parole vivante de Dieu a le
pouvoir de produire en nous un tel chavirement. Elle seule pénètre au plus
profond de notre être, jusque dans ses articulations, pour produire en nous
l’effet escompté : Hébreux 4,12.
Méditant le livre de Jérémie la première année de Darius,
Daniel comprit ce qu’il n’avait pas encore vu. Il saisit, comme jamais
peut-être, le fil conducteur qui reliait le temps dans lequel il vivait au
passé glorieux puis déclinant d’Israël. La vision que Dieu lui donnera par
Gabriel lui révélera ce qu’il peut, dans la foi, attendre pour l’avenir. Si la
lecture de la parole est un exercice auquel on doit s’adonner chaque jour, il y
a des moments où celle-ci correspond à un rendez-vous particulier de Dieu. Il y
a des dates, dans l’exercice de notre piété, marquées d’une pierre blanche.
Elles témoignent de moments au cours desquels la Parole écrite, ancienne est
devenue si actuelle, si personnelle que c’était comme si elle n’avait été
écrite que pour nous. C’est ici ce qui se produisit pour Daniel.
Instruit par la Parole de Dieu sur la signification du temps
dans lequel il vivait, Daniel convertit immédiatement les données reçues en
prière. Toute la connaissance que Dieu nous donne de Lui-même ou de notre
situation dans Son dessein n’a de sens que si elle est opérante en nous. Les
révélations dont nous sommes les bénéficiaires de la part de Dieu n’ont pas
pour objet d’enrichir notre bagage théologique. Elles n’atteignent leur but que
lorsque, pénétrant en nous, elles imprègnent notre être au point que ce qui se
trouve sur le cœur de Dieu charge désormais le nôtre.
Suscitée par la révélation, la prière de Daniel épouse la
vision de Dieu sur le temps par lequel passe Israël dans le présent où elle est
formulée. La prière intelligente n’est jamais un électron libre de toute
attache. Elle s’inscrit toujours dans une histoire. Il y a pour notre prière
toujours un avant qui la justifie et un après auquel elle aspire. Chargée de la
conviction que la situation de ruine dans laquelle se trouve Israël est la
réalisation des menaces données par Dieu dans la loi de Moïse suite à sa
désobéissance, la prière de Daniel débute par l’aveu sans concession de la
faute et du péché des pères. Il ne peut en être autrement. Toute restauration
après le châtiment passe par là, par le plein alignement de notre regard sur
celui que Dieu porte sur les causes du malheur qui nous frappe. S’il veut être
rétabli, Israël ne peut espérer en rien d’autre que la miséricorde et la
compassion de Dieu. Tout, au sujet du passé, plaide contre lui : sa
rébellion, son refus d’écouter les prophètes. Seul l’attachement que Dieu porte
à Sa propre gloire, engagée dans le choix qui L’a porté à élire Israël comme
Son peuple, est, Daniel le sait, source d’espoir pour l’avenir !
Porte-parole d’Israël, Daniel ne s’exclut pas de la prière
qu’il adresse à Dieu pour Son peuple. Comme Néhémie le fera après lui : Néhémie 1,6, Daniel se charge du péché d’Israël comme
s’il était le sien. L’intercession véritable n’a de force que dans la mesure où
celui qui prie s’identifie pleinement avec celui pour lequel il prie. Jésus ne
sera pour nous pas autre chose que ce que fut Daniel pour son peuple. Non
seulement, Il suit son exemple mais le mène, comme Il le fait en toutes choses
avec ceux qui L’ont précédé, à la perfection. L’intercession de Jésus, le Fils
de Dieu, auprès du Père en notre faveur n’a d’efficacité aujourd’hui que parce
que, hier, Il s’est fait homme jusqu’à mourir pour nous et notre péché : Romains 8,34-35. C’est la pleine unité de Jésus avec
l’humanité rebelle et perdue qui fait de Lui pour toujours l’Avocat qualifié pour
plaider notre cause auprès du Père : 1 Jean 2,1-2.
Comme l’a signifié Elisée, intercéder n’est pas une affaire de mots, mais de
cœur : 2 Rois 4,32 à 37. Le prophète parla
peu. Mais son engagement fut tel dans sa prière et son intercession pour la
guérison du fils de la sunamite qu’il se fit un avec lui. Que Dieu fasse de
nous de tels intercesseurs, engagés !
Les 70 semaines : v 20 à 27
La réponse de Dieu à la prière de Daniel va aller bien
au-delà de ce qu’il a demandé. Daniel a prié que Dieu, dans Sa grande
miséricorde, ne se souvienne plus du péché de Son peuple et, à cause de la
gloire attachée à Son nom, qu’Il rétablisse la ville et le pays. Dieu va
étendre le sujet de prière de Daniel en lui révélant, non ce qui va se produire
pour Israël à court terme, mais jusque dans les temps de la fin. Nous ne savons
pas combien de temps Daniel a porté la prière que nous trouvons formulée ici.
A-t-elle été dite en une fois ou est-elle le résumé du fardeau qui chargea son
cœur plusieurs jours ? Quoi qu’il en soit, l’ange est porteur d’une bonne
nouvelle qui est source de grand encouragement pour tous les intercesseurs. Dès
le début de la prière du prophète, une parole est sortie de la bouche de Dieu à
son intention. C’est elle que Gabriel est chargé de lui délivrer. La même
vérité sera répétée au chapitre suivant : Daniel
10,12. Ce n’est pas pour rien que l’apôtre Jacques dira que la prière
fervente du juste a une grande efficacité : Jacques
5,16. Les prières de Daniel en sont la démonstration.
Toute la compréhension de la réponse de Dieu à Daniel repose
sur un nombre et une expression : 70 semaines. Daniel avait lu dans le
livre du prophète Jérémie qu’il devait s’écouler 70 ans entre le moment où
Jérusalem sera en ruines jusqu’à celui où elle sera rebâtie : Jérémie 25,11 ; 29,10. Reprenant le nombre, Dieu
révèle que 70 semaines, découpées en trois périodes distinctes, seront
nécessaires pour que le dessein de Dieu avec et pour Israël (le temps de l’Eglise
est ici totalement occulté) se réalise pleinement. Selon Gabriel, cinq
composantes intègrent ce dessein :
1.
Faire cesser pour toujours les transgressions et
mettre fin au règne du péché. C’est par l’entrée du péché dans le monde que le
règne de Dieu a été suspendu dans l’humanité. C’est par son expulsion qu’il
sera rétabli.
2.
Faire l’expiation de la faute. Elle l’a été par
Jésus-Christ. Là où Jésus est rejeté, elle se fera par le versement des coupes
de la colère : Apocalypse 16
3.
Amener la justice éternelle. Le règne de la
justice est le but central de la venue de Jésus dans le monde, le sujet même de
l’Evangile : Romains 1,16-17 ; 3,21 ;
5,21
4.
Sceller la vision et le prophète. Viendra le
temps où toutes les révélations, toutes les prophéties données au long des
siècles par Dieu et révélées dans Sa Parole seront accomplies.
5.
Oindre le Saint des saints ou le
« très-sacré ». Le dessein de Dieu s’accomplira au jour où
Jésus-Christ sera établi et proclamé Seigneur sur tous les hommes et les
anges : Philippiens 2,9 à 11.
L’objectif fixé, Gabriel précise les étapes de la pleine
réalisation du dessein de Dieu à partir de la prophétie donnée à Jérémie jusqu’à
la fin des temps :
a.
La première étape longue de 7 semaines touche au
temps où l’ordre sera donné par un chef ayant reçu l’onction de reconstruire Jérusalem.
Bien que n’étant pas encore né, Esaïe, sous l’inspiration de l’Esprit, a
identifié ce chef en Cyrus, le roi de Perse : Esaïe
45,13. C’est sous son règne que, par l’action de Dieu, les Juifs furent
invités à retourner dans leur pays pour entreprendre la reconstruction du
temple et de leur ville : Esdras 1,1 à 4. Les
livres bibliques d’Esdras et de Néhémie, qui relatent le vécu des Juifs durant
cette première étape, confirment la prophétie émise par l’ange. Les 49 années
de travaux seront difficiles, ponctués de complots, d’oppositions fortes, de
temps d’arrêts et de redémarrage.
b.
La seconde étape est la plus longe. Elle est
faite de 62 semaines, soit 434 ans au terme desquels un homme ayant reçu l’onction
de Dieu sera retranché, sans que personne ne prenne fait et cause pour Lui.
Cette période de 62 semaines, significative en vue de l’accomplissement du
dessein de Dieu, correspond au temps d’existence d’Israël depuis la
reconstruction du temple et de la ville jusqu’à la venue de l’homme Jésus, l’Oint
de Dieu, et sa mise à mort.
c.
La 3ème étape, faite d’une seule
semaine, nous reporte directement à la fin des temps. Le fait majeur de
celle-ci est l’apparition sur la scène de l’histoire d’un chef impie et
arrogant. L’ange reprend ici le sujet des autres révélations dont Daniel a été
l’objet. Ce chef de guerre est l’Antichrist, la petite corne de la vision
précédente : Daniel 8,9 à 14. Il sera à la
fois pour Israël un séducteur et un destructeur. Gabriel confirme la fausse
alliance qu’il conclura avec le peuple de Dieu et qu’il rompra au bout de 3ans
et demi. Il prédit qu’il se mettra en marche pour détruire la ville et le
sanctuaire. Il renversera le culte quotidien rendu à Dieu et commettre à Son
égard des transgressions abominables. Son temps se conclura au moment où, selon
le jour fixé par Dieu, le jugement fondra sur lui : 2 Thessaloniciens 2,8. Le dessein de Dieu sera alors
pleinement accompli. Le Christ entrera dans Son règne !
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