Comme les autres visions du livre, celle qui occupe ce
chapitre vise un but : apporter un éclairage supplémentaire sur la
personnalité et le caractère du dernier ennemi du peuple juif. Les faits
rapportés ici touchent pour la plupart à des événements historiques qui se
dérouleront avant la première venue de Jésus. Ils ont pour objet spécifique une
seule chose : mettre en scène un personnage de l’histoire juive bien
identifié, Antiochus Epiphane. L’utilité du récit dépasse le personnage
lui-même. La vision que reçoit Daniel est profitable pour nous en ce qu’elle
dévoile en cet homme le portrait typique de ce que sera l’Antichrist, le grand
chef rebelle de la fin.
Les faits rapportés
V 2 : le 4ème roi
de Perse, après Cyrus, fut Xerxés. Il amassa, comme l’ange le dit, des
richesses fabuleuses. Au faîte de sa grandeur, Xerxès se lancera dans une
expédition contre la Grèce qui échouera. Cette défaite se produira en 480 av
J-C à la bataille de Salamine.
V 3 et 4 : la vision donnée ici à
Daniel reprend le fil historique donné dans les précédentes. Le conquérant dont
il est question est de nouveau Alexandre le Grand, le Grec. Au sommet de sa
grandeur, il périra et son royaume sera dispersé, Alexandre n’ayant pas de
descendant direct.
V 5 à 20 : cette partie du récit
met l’emphase sur deux rois rivaux : celui du sud et celui du nord. Il
s’agit de l’Egypte et de la Syrie. Les péripéties des relations agitées que
connurent les deux rois entre eux nous sont rapportées dans le détail :
·
V 5 : le roi du Sud était
Ptolémée 1er. Mais un général de son armée, Séleucus, se séparera de
lui et fondera une dynastie concurrente qui le supplantera : les
Séleucides en Syrie
·
V 6 : les deux dynasties
s’allieront par mariage. Ptolémée II donnera en 248 av J-C sa fille Bérénice à
Antiochus II qui répudiera sa femme Laodicée pour conclure cette alliance. Mais
la concorde ne durera pas. Ptolémée mourra l’année suivante et Laodicée
empoisonnera Antiochus II, Bérénice et leur fils.
·
V 7 et 8 :
Ptolémée III vengera sa sœur Bérénice. Il tue Laodicée et s’empare d’une grande
partie de la Syrie et de la Cilicie. Une sédition en Egypte oblige Ptolémée III
à rentrer dans son pays. Il y retourne, chargé d’un grand butin et de beaucoup
d’idoles
·
V 9 : Séleucus Callinicus,
roi de Syrie, attaque l’Egypte, mais essuie une grande défaite.
·
V 10 à 20 :
cette partie de la vision relate les guerres d’Antiochus le Grand, dont le
règne dura de 222 à 187 av J-C, contre l’Egypte :
ð V 10 : Des deux fils de Séleucus Callinicus,
l’un mourut pendant les préparatifs d’une expédition. Son frère, Antiochus III,
le Grand, pénétrera jusqu’à la forteresse de Raphia, près de Gaza, sur la
frontière de l’Egypte.
ð V 11 : Ptolémée Philopator, roi d’Egypte, lui
livrera bataille et la battra en 217 à Raphia. 4 000 hommes de l’armée du
roi de Syrie furent faits prisonniers et 10 000 périrent.
ð V 12 : Malgré sa victoire, Ptolémée ne profitera pas
de son triomphe. Il préférera se laisser à une vie voluptueuse qui lui fera
perdre tous ses avantages.
ð V 13 : Antiochus le Grand, après de nombreux
succès dans d’autres pays, attaquera en 203 le jeune fils de Ptolémée
Philopator, qui s’appelait Ptolémée Epiphane.
ð V 14 : Antiochus s’était allié avec Philippe de
Macédoine. Divers pays soumis à l’Egypte se révoltèrent contre elle. Des Juifs
violents commirent la folie de s’associer à Antiochus, ce qui fut le
commencement de malheurs sans nombre sous la domination de la Syrie.
ð V 15 : Le général égyptien Scopas, assiégé dans
la ville de Sidon, dut se rendre. Trois généraux envoyés à son secours furent
battus.
ð V 16 : Antiochus, tout en prenant possession de la
Palestine, se montrera bienveillant envers les Juifs, bien qu’il ait le pouvoir
de tout détruire.
ð V 17 : Antiochus
semble avoir incorporé des Juifs pieux dans une armée destinée à attaquer
l’Egypte. Mais, devant renoncer à ce projet à cause des Romains, il eut recours
à la ruse. Il persuada le jeune Ptolémée d’épouser sa fille Cléopâtre dans
l’espoir de saisir une occasion favorable pour s’emparer de l’Egypte. Mais
Cléopâtre prit parti pour son mari et déjoua les visées de son père sur
l’Egypte.
ð V 18 : Antiochus prit Rhodes, Samos et d’autres
îles, offensa des envoyés de Rome et fut battu à Magnésis en Lydie (Asie
Mineure) par Scipion l’Asiatique
ð V 19 : Il se retira dans les villes fortes de la
Syrie, mais fut assassiné lorsqu’il essaya de piller un célèbre temple.
ð V 20 : Son fils aîné, Séleucus Philopator, envoya son
ministre Héliodor avec l’ordre de piller le temple de Jérusalem. 2 Maccabées 3
raconte qu’Héliodore, en pénétrant dans le sanctuaire, eut une vision
effrayante et fut frappé d’une attaque. Grâce à l’intercession du souverain
sacrificateur, il fut guéri. Il renonça à la suite à exécuter l’ordre du roi.
Plus tard, Héliodore empoisonna Philipator.
V 21 à 35 : Antiochus IV Epiphane
Le récit des péripéties guerrières qui opposa la dynastie
des Ptolémée et celle des Séleucides n’avait qu’un seul but : introduire
la venue de celui qui occupe la majeure partie de la vision, Antiochus IV
Epiphane, qui est, par ses œuvres et sa personnalité, un type du futur et
dernier grand persécuteur des Juifs : l’Antichrist. Le détail de ses
menées, la façon avec laquelle il surgit dans l’histoire et s’élève au-dessus
de tous, sa fin subite, tout témoigne de ce qui se produira une nouvelle fois à
la fin des temps.
Analyse du récit :
V 21 : La succession de
Séleucus Philopator aurait dû revenir à l’un de ses neveux. Mais, retenu en
otage à Rome, un frère cadet du roi défunt réussit à s’emparer du trône sous le
nom d’Antiochus IV Epiphane. L’ange le désigne sous le vocable ironique de
méprisable, en contraste avec son surnom qui signifie illustre.
V 22 : L’Egypte, l’ayant
attaqué, fut battue. Antiochus destitua également le souverain sacrificateur
Ozias III à Jérusalem. Ptoléme Philométor, son neveu, roi d’Egypte, fut fait
prisonnier.
V 23 : Sous prétexte de
remettre son neveu sur le trône, il pénétrera par ruse avec une faible armée en
Egypte.
V 24 : Antiochus occupa la
basse Egypte et fit des largesses inouïes à ses partisans (173 av J-C).
V 25 à 27 : Une seconde campagne
contre l’Egypte eut lieu en 171. Evergète II, frère de Philométor, retenu par
Antiochus, qui prétendait lutter en sa faveur, fut vaincu grâce à un habile
complot d’Antiochus. Mais il se maintint au pouvoir.
V 28 : le butin d’Egypte ne
lui suffisant pas, Antiochus ira piller le temple de Jérusalem : 1
Maccabées 1,20 à 29 ; 2 Maccabées 5,11 à 17.
V 29 : La 3ème
campagne contre l’Egypte en 170 échouera. Les deux frères se réconcilieront et
règneront conjointement.
V 30 : L’ambassadeur romain
Popilius Laenas, arrivant avec une flotte, lui ordonna au nom du Sénat de
quitter l’Egypte. Un parti de Juifs apostats l’aida à exécuter ses plans
funestes contre la Judée et le judaïsme.
V 31 : Antiochus envoya 22 000
hommes contre Jérusalem. Le temple fut consacré à Jupiter Olympien dont l’autel
fut placé sur l’autel des holocaustes : 1 Maccabées 1,57 ; 2
Maccabées 6,2. C’est ici l’abomination de la désolation à laquelle fera
référence Jésus comme étant un des signes de la fin : Matthieu 24,15 ; Marc 13,14.
V 32 : il flatta les Juifs apostats,
mais les gens pieux se ressaisirent.
V 33 : La persécution dura
trois ans et demi. Mathathias et ses fils donnèrent l’exemple, et beaucoup de
gens les suivirent. Le nombre de martyrs fut considérable.
V 34 : Les succès des révoltés
ne furent pas décisifs, mais la sévérité de Judas Maccabée, le fils de
Mathathias, empêcha plusieurs de défaillir.
V 35 : Ce temps sera un temps
d’épreuve et d’épuration terrible pour les Juifs. Pour finir, Dieu accordera la
délivrance aux Maccabées.
V 36 à 45 : D’Antiochus à l’Antichrist
Fixé jusque là sur les péripéties guerrières d’Antiochus
Epiphane IV, le récit se poursuit en mélangeant le portrait de l’héritier des
Séleucides à celui du dernier grand conquérant que le monde connaîtra : l’Antichrist.
L’homme qui parle à Daniel est explicite. Il invite le prophète à ne pas s’arrêter
à ce qui va se produire à court terme, mais à porter ses regards vers les temps
de la fin : v 35, but des visions et de la
prophétie de tout le livre. Antiochus IV Epiphane est le premier concerné par
la prophétie. Mais derrière lui, son arrogance, sa vanité, son orgueil, se
dessinent les traits de celui qui, par ses guerres et sa mégalomanie, jettera
le monde entier dans le chaos.
Indices supplémentaires sur le portrait de l’Antichrist :
V 36 : l’Antichrist se
distinguera par le fait que, bien qu’homme, il se placera lui-même au-dessus de
tous les dieux existant ou ayant existé. Son animosité se portera en
particulier vers le Dieu de la Bible, le Dieu de Jésus-Christ, proclamé comme
le Dieu unique et souverain, qu’il blasphémera au travers de propos
inimaginables : cf Apocalypse 13,5.
V 37 : Son outrecuidance sera
telle à ce sujet qu’il ne fera preuve d’aucune considération envers ce qui aura
été cru jusque là par ses pères et tous ceux qui l’auront précédé. C’est
surtout envers Jésus, le Christ, qu’il manifestera le plus grand mépris.
V 38-39 : il y a cependant un
dieu qu’il honorera : le dieu des forteresses. Ayant rejeté le Dieu de ses
pères, l’histoire rapporte qu’Antiochus adorait Zeus, une caricature du vrai
Dieu. Malgré sa haine contre Dieu, l’Antichrist sait que le monde a besoin d’un
dieu à adorer. L’Antichrist ne conduira pas le monde à l’athéisme, mais à la
plus grande idolâtrie qui soit : celle de l’adoration de Satan, le dragon
de qui il recevra sa force : Apocalypse 13,4.
En ce temps, quiconque le suivra dans cette voie se verra richement récompensé.
V 40 à 45 : la paix par la
domination que voudra imposer l’Antichrist sur le monde sera de courte durée.
Elle se verra rapidement mise en cause par le roi du sud qui ne supportera pas
le joug qu’il voudra lui imposer par force. La fin des temps ne sera que la
répétition de l’histoire au sujet de toutes les dictatures. L’homme a été fait
pour la liberté et non pour l’asservissement. Tôt ou tard, vient le jour où
tout homme qui prétend exercer sur ses semblables un pouvoir qui ne revient qu’à
Dieu finit par être renversé.
L’Antichrist réagira à la contestation de son autorité par
une fureur guerrière redoublée. Il s’avancera sur les terres du Moyen-Orient
pour mettre le grappin sur nombre de pays. L’Egypte tombera sous sa coupe, mais
d’autres pays lui échapperont : Edom, Moab, Ammon (l’Arabie, la Jordanie,
la Syrie actuelles ?). La Lybie et l’Ethiopie se mettront à son service,
mais il ne réussira pas dans ses entreprises. De mauvaises nouvelles lui
parviendront de l’Est et du Nord qui l’obligeront à rebrousser chemin. Il dressera
son camp à proximité de Jérusalem et concevra là des projets de vengeance. Mais sa folie destructrice le conduira à sa
perte. Il périra soudainement sans que personne ne puisse rien pour lui :
cf Daniel 8,25, sous l’effet du souffle et de la
puissance de la manifestation du Seigneur : 2
Thessaloniciens 2,8.
A la vue de la précision extraordinairement détaillée de la
prophétie, certains se sont mis à douter de son inspiration. Le texte de Daniel
ne serait-il pas un rajout tardif, inséré dans le livre du prophète après les
faits ? Jésus s’oppose à une telle interprétation. Il attribue de fait à
Daniel la paternité du texte : Matthieu 24,15.
Toute la prophétie biblique rend témoignage par ailleurs de l’incroyable
précision des annonces faites par avance sur le Christ : le lieu de Sa
naissance : Michée 5,1, le prix payé pour
sa trahison : Zacharie 11,12… La précision
et l’exactitude de la prophétie est la marque d’autorité et de crédibilité de
la Parole de Dieu : Esaïe 41,21-22.25 ; 43,9 ;
44,7-8 ; 46,9-10 ; 48,3. Ne doutons pas : tout ce qui a
été écrit l’a été d’avance pour notre instruction : Esaïe 46,10 ; Romains 15,4. Examinons, prions et
veillons !