Ce chapitre est le dernier qui rapporte les faits et les
événements de la période de vie du prophète Daniel qui eut cours sous le règne
du roi Nabuchodonosor. Commencée avec la déportation d’Israël du prophète et
ses trois amis vers le royaume de Babylone, la période se conclut par le
témoignage que le roi païen rend au Dieu suprême. Retournement stupéfiant et
glorieux de l’histoire ! Ceux que l’on croyait faibles, sans force (Daniel
et ses amis) se montrent comme les acteurs clés de l’histoire, et celui qui
était considéré comme le dominateur souverain se trouve réduit à l’impuissance.
Le vrai Maître et Seigneur, le Dieu suprême est révélé. Qui Lui appartient n’a
rien à craindre des hommes : il est de facto du côté du victorieux. Le
témoignage de Nabuchodonosor le met en lumière : il est impossible de
séparer Dieu des Siens. Là où sont les enfants et les serviteurs de Dieu, là Il
se trouve, au bon plaisir ou non de Ses adversaires. Les philistins dans le
passé, sous une autre forme, en ont fait l’amère expérience : 1 Samuel 5 et 6. Que la certitude de la présence
souveraine et personnelle de Dieu avec nous soit aujourd’hui la force de tous
les témoins contraints à vivre contre leur gré dans des lieux et des
circonstances qu’ils n’auraient pas choisi !
Avant de passer aux faits, le témoignage du roi débute par une
déclaration forte sur ses intentions. La forme utilisée ici par Nabuchodonosor
(la proclamation) et les destinataires auxquels il s’adresse,
l’accrédite : ce qu’il exprime ici est de la plus haute importance. La
déclaration qu’il fait a la valeur d’une vérité à laquelle il désire que tous
ceux qui vivent sous sa souveraineté adhèrent. Elle est la conclusion à
laquelle toute l’expérience de sa vie l’a amené. Nabuchodonosor n’a qu’un
objectif en proclamant la conviction à laquelle son vécu l’a conduit : que
la gloire qui revient de droit à Dieu Lui soit rendue, que l’Eternel, le Dieu
d’Israël, soit reconnu pour ce qu’Il est, le Dieu unique et vrai ! Cette
fin visée par le roi sera aussi celle à laquelle, selon l’apôtre Paul, aboutira
l’histoire au sujet de Jésus, le Fils de Dieu : Philippiens
2,9 à 11. Heureux celui qui, dès maintenant, peut la faire sienne !
Le second rêve du roi : v 4 à
18
Le second rêve du roi met en lumière l’autorité qu’a acquise
Daniel, depuis l’interprétation du premier songe, à Babylone. Même s’il y a
loin d’un brisement total chez le roi, les diverses expériences par lesquelles
il est passé avec Daniel et ses amis ont produit un effet bénéfique dans son
cœur. Nabuchodonosor ne manifeste plus l’arrogance du passé. Il fait toujours
appel à ses sages pour discerner le sens du songe qui l’a troublé, mais il ne
fait plus preuve ni d’exigences inconsidérées, ni de menaces extrêmes au
cas où il ne serait pas satisfait de leurs réponses : cf Daniel 2,5. Le vécu qu’il a de la réalité de Dieu, la
présence de Daniel dans son royaume lui procurent une sécurité qui désamorce le
stress qu’engendre chez lui la peur de l’inconnu.
Alors qu’il sait que Daniel est là, Nabuchodonosor choisit
volontairement de ne pas s’adresser à lui en premier lieu pour comprendre la
signification du nouveau rêve dont il a été l’objet. Ce choix pose question. Le
roi de Babylone répugne-t-il encore à faire appel aux bons services d’un Juif
déporté ? Ne le fait-il que par nécessité, en dernier recours, parce qu’il
fait le constat désabusé qu’il n’a pas d’autres choix ? Chaque
sollicitation de Daniel est quelque part un aveu de l’impuissance des dieux de
Babylone à résoudre les grandes énigmes auxquelles il est confronté. Le fait
que Daniel passe en dernier peut aussi avoir une autre raison. Elle tient à
l’humilité de celui-ci. Bien que supérieur à tous les sages, Daniel n’est pas
chaldéen. En tant qu’étranger, il tient à garder sa juste place sur le plan de
la légitimité. Daniel possède cependant
un avantage sur ses « collègues ». Liés aux rois pour la pérennité de
leurs charges, les sages du royaume n’ont pas vocation à être pour lui des
porteurs de mauvaises nouvelles. Ils se doivent d’être positifs : cf 1 Rois 22,5 à 9. Seule l’indépendance d’un Daniel,
dont l’allégeance est à Dieu, garantit au roi la certitude que la vérité toute
crue lui sera dite : cf 1 Samuel 3,15 à 18.
Le second rêve du roi lui est donné pour une dernière
raison. Jusque là, Nabuchodonosor n’a pas pleinement saisi qui est vraiment le
Dieu de Daniel. Il le dit en préambule de son témoignage. C’est l’expérience
par laquelle il va passer, qui est la réalisation concrète de son rêve, qui va
l’y conduire. Avant celle-ci, Daniel est perçu par le roi comme un sage
supérieur aux autres, mais pas encore comme le serviteur du seul et unique
Dieu. Le monothéisme que le roi semble avoir confessé un temps : Daniel 2,47 n’est pas encore ancré en lui comme une
certitude. Daniel, croit-il, a en lui le souffle, l’esprit des dieux saints,
d’une catégorie de dieux supérieurs. Il faudra un brisement et une humiliation
profonde pour que Nabuchodonosor reconnaisse qu’il y a ici plus que cela.
Explication du rêve : v 19 à 27
Si le premier rêve du roi touchait à son empire et ceux qui
lui succéderaient, le second a une portée plus personnelle. Le symbole choisi
par Dieu pour illustrer le message qu’il veut faire passer à Nabuchodonosor
n’est plus statique (une statue), mais vivant (un arbre). La statue
impressionne par son aspect colossal. L’arbre l’est aussi, mais l’image ajoute
à cet aspect un caractère de vie, de sécurité, d’abri pour tous ceux qui vivent
sous sa ramure. Tel est, dit Daniel, Nabuchodonosor pour tous ceux sur qui
s’étend sa royauté.
La grandeur et la gloire attachées à son nom n’apportent pas
que de l’ombre à ceux qui s’abritent sous ses branches. Daniel avertit le roi
qu’elle en fait aussi à Dieu, le véritable souverain. Il y a toujours danger
pour celui qui côtoie les étoiles de se prendre pour un dieu et d’oublier qu’il
n’est qu’une simple créature : cf Esaïe 14,12 à 14.
Daniel prophétise au roi un abaissement qui va le lui rappeler. Au faîte de sa
grandeur, Nabuchodonosor sera humilié comme jamais. Par une folie soudaine, il
sera ravalé au rang d’un animal. Le message de Dieu à l’adresse du roi est
préventif. Celui-ci peut dans l’instant travailler à ce qu’il ne se réalise
pas. Il suffit au roi d’en saisir la gravité et de tout mettre en œuvre pour
changer de politique et de comportement, surtout envers les plus faibles de son
royaume.
Notons que si Daniel est chargé d’apporter un message
d’avertissement à Nabuchodonosor, il ne prend à aucun moment l’attitude de
quelqu’un qui s’en réjouit. Au contraire ! Il fait preuve à l’égard du
souverain d’une véritable empathie. Chargé de dire la vérité au roi de la part
de Dieu, Daniel n’en oublie pas pour autant l’amour. Fidèle à sa mission, il
l’accomplit en ne cachant rien de ses émotions. Le message ne lui est pas
destiné, mais il le bouleverse tant qu’il en est affecté comme si c’était le
cas. L’attitude de Daniel nous rappelle à quel point le porteur du message de
Dieu est inséparable de son contenu. Nous ne sommes pas juste les hérauts de
Dieu. Nous sommes des médiateurs entre Dieu et les hommes. Autant nous devons
être pénétrés par l’Esprit et la Parole de Dieu, autant nous devons nous
identifier à ceux à qui nous nous adressons. Amour pour Dieu et pour notre
prochain doivent former en nous une unité indivisible. Ce que je dis aux hommes
de la part de Dieu doit porter en lui à la fois le sentiment de la gravité
divine et celui de l’identification humaine. A l’image de Christ, unique vrai
médiateur entre Dieu et les hommes : 1 Timothée
2,5, nous sommes porteurs d’une double nature. Nous sommes à la fois
fils de Dieu et fils d’homme. Que Dieu nous aide, à la place où il nous a mis,
à ne pas privilégier l’un au point de léser l’autre !
Quoique la vision parle d’un châtiment sévère, elle ne
laisse pas le roi sans espoir. Il y a toujours dans les paroles les plus
sévères de Dieu, destinées à corriger, une note et une perspective de grâce.
C’est vrai pour Israël : Deutéronome 30,
c’est vrai aussi ici pour Nabuchodonosor. Après que l’arbre ait été abattu, le
rêve révèle que sa souche restera, avec ses racines en terre : v 12. Il ne sera pas totalement détruit, mais
subsistera et se relèvera. Le but de Dieu n’est pas que le méchant meurt, mais
qu’il se convertisse et qu’il vive : Ezéchiel
18,23 ; 33,11.
L’histoire va montrer que, comme beaucoup de souverains, le
roi n’écoutera pas. Son orgueil le lui interdit. Ce serait trop perdre la face.
Ce qu’il n’a pas voulu faire de lui-même, Dieu l’y contraindra avec sévérité.
On a toujours avantage à écouter Dieu ! Car, tôt ou tard, que nous le
voulions ou non, nous devrons Lui céder et confesser que ce n’est pas nous
qui sommes Dieu et Seigneur, mais Lui seul : cf Philippiens
2,9 à 11.
La réalisation du rêve : v 28 à
33
Sortie de la bouche de Dieu, la parole est en route vers son
accomplissement. La parole de Dieu n’est jamais dite en vain. Partie de Dieu,
elle ne revient vers Lui qu’après avoir fait ce qu’Il a dit, réalisé ce pour
quoi elle a été envoyée : Esaïe 55,11. Nabuchodonosor
qui, à deux reprises, a eu l’occasion de voir le Dieu de Daniel à l’œuvre,
aurait dû le pressentir. Mais il est comme nous et comme la plupart des
humains. Tant que nous ne sommes pas placés devant les faits, nous persistons à
croire que les menaces de Dieu ne sont que des paroles données pour faire peur.
Tels sont les moqueurs des derniers temps qui, à l’écoute du message du
jugement, se convainquent, à cause des siècles qui sont passés depuis que
l’annonce a été faite, qu’il n’aura jamais lieu : 2
Pierre 3,3-4. Soyons-en cependant persuadés : le jour du Seigneur
viendra : 2 Pierre 3,10.
Sans être moqueur, il est possible que, les mois s’écoulant,
Nabuchodonosor ait oublié le rêve qu’il fit et l’explication que lui en donna
Daniel. Nous ne devrions jamais mépriser une parole reçue de la part de Dieu.
Lorsque Dieu nous parle, il a un but. Il vise à ce que, immédiatement, nous
nous mettions à l’œuvre pour mettre en pratique ce que nous avons entendu. A
celui-là seul qui procède de la sorte, le bonheur est garanti : Jacques 1,25. Mais à celui qui écoute et qui oublie,
il est inévitable qu’un jour, tôt ou tard, la parole de Dieu le rattrape. Que
nous nous y conformions ou que nous la méprisions, soyons-en sûrs : la
parole de Dieu se réalisera. Il ne parle jamais en vain !
Ce qui a perdu Nabuchodonosor était couru d’avance. Le roi,
pour se perdre, n’avait pas besoin de quoi que ce soit de neuf dans sa vie. Il
lui suffisait de continuer à être ce qu’il était. C’est ce qui se produisit, un
matin comme les autres matins. Subjugué par la vue de Babylone qui s’étalait
sous ses yeux, le roi se mit à exprimer à voix haute toute l’admiration qu’il
se portait. A l’instant même, la parole orgueilleuse du roi entra en collision
avec la parole souveraine de Dieu. Les dégâts furent à la hauteur de ce qui
avait été annoncé. Frappé sur place, le roi perdit à l’instant ce qui faisait
sa dignité et son humanité. A se vouloir l’égal de Dieu, il fut réduit à n’être
qu’un animal. Son orgueil le fit basculer dans une telle folie qu’il fut chassé
de son trône. Pour être terrible, l’humiliation n’avait qu’un but : que
Nabuchodonosor, au lieu de se prendre pour un dieu, retrouve sa juste place,
celle d’une simple créature. Or, le propre de toute créature, comme veut le
rappeler Dieu au roi, est de ne pas être suffisante à elle-même, mais d’être
consciente de sa totale dépendance de Dieu. Le rappel sévère à cette réalité
ira pour le roi jusqu’à la perte de la raison.
Sommes-nous conscients de notre dépendance totale de
Dieu ? Faisons-nous nôtres les paroles de Jean selon lesquelles un homme
ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel : Jean 3,27 ? Souscrivons-nous au témoignage de
Paul affirmant que c’est par la grâce de Dieu seule que nous sommes ce que nous
sommes : 1 Corinthiens 15,10 ?
Guérison et rétablissement du roi : v 34 à 37
Daniel avait prévenu le roi ! S’il ne changeait pas
profondément d’attitude et de comportement, il serait délogé de sa place. L’humiliation
ne serait pas brève. Elle durerait sept temps, ce qui correspond à sept années
pleines : 4,22. Le délai fut tenu. Nous
pourrions juger l’attitude de Dieu trop inflexible, dénuée de compassion. Nous
aurions tort ! Il se peut, qu’étant malade, nous estimions que le
traitement prescrit par le médecin soit trop sévère. C’est à son efficacité, et
non selon le critère de notre
convenance, que celui-ci le juge adapté. Dieu n’agit jamais de façon
arbitraire. Il sait exactement ce qui, dans l’arsenal des moyens qu’il a à sa
disposition, est le plus à même d’opérer la guérison de notre folie. Pour se
faire, le traitement ne doit pas être abrégé. Il doit se poursuivre jusqu’à ce
que le but soit atteint. Le fruit qui résulte de l’humiliation subie par
Nabuchodonosor justifie le bien-fondé de la rudesse du châtiment employé.
Après sept années vécues la tête par terre, le début du
rétablissement du roi s’opéra lorsqu’il leva les yeux vers le ciel : v 34. Nous ne sommes jamais autant à notre juste place
qu’au moment où nous mesurons l’infinie distance qui nous sépare, en tant que
créatures, de Dieu notre Créateur. Convaincu de son néant, le fier Nabuchodonosor
exprima les mots qui convenaient à sa condition face à celle de Dieu. Il ne se
célébra plus lui-même, mais le seul qui est digne de l’être : Celui à qui
appartient la domination véritable, qui est souverain sur tous les êtres créés,
et à qui nul ne peut impunément résister ! Délivré de son orgueil, il le
fut en même temps de sa folie. La cause guérie, les effets disparurent. Ayant
retrouvé une raison saine, le roi, demandé par ses sujets, fut rétabli dans sa
charge ! Au-delà de sa suffisance, il semble qu’il n’y avait pas plus
capable que lui pour diriger le royaume ! Rétabli dans sa position élevée,
Nabuchodonosor sut rester dans les limites que Dieu lui fixa. Quelle que soit
la place que nous occupions, que la leçon qu’il apprit, celle de vivre de la
grâce de Dieu, soit le principe à partir duquel nous vivions aussi.
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