lundi 22 avril 2013

Chapitre 4



Ce chapitre est le dernier qui rapporte les faits et les événements de la période de vie du prophète Daniel qui eut cours sous le règne du roi Nabuchodonosor. Commencée avec la déportation d’Israël du prophète et ses trois amis vers le royaume de Babylone, la période se conclut par le témoignage que le roi païen rend au Dieu suprême. Retournement stupéfiant et glorieux de l’histoire ! Ceux que l’on croyait faibles, sans force (Daniel et ses amis) se montrent comme les acteurs clés de l’histoire, et celui qui était considéré comme le dominateur souverain se trouve réduit à l’impuissance. Le vrai Maître et Seigneur, le Dieu suprême est révélé. Qui Lui appartient n’a rien à craindre des hommes : il est de facto du côté du victorieux. Le témoignage de Nabuchodonosor le met en lumière : il est impossible de séparer Dieu des Siens. Là où sont les enfants et les serviteurs de Dieu, là Il se trouve, au bon plaisir ou non de Ses adversaires. Les philistins dans le passé, sous une autre forme, en ont fait l’amère expérience : 1 Samuel 5 et 6. Que la certitude de la présence souveraine et personnelle de Dieu avec nous soit aujourd’hui la force de tous les témoins contraints à vivre contre leur gré dans des lieux et des circonstances qu’ils n’auraient pas choisi !

Avant de passer aux faits, le témoignage du roi débute par une déclaration forte sur ses intentions. La forme utilisée ici par Nabuchodonosor (la proclamation) et les destinataires auxquels il s’adresse, l’accrédite : ce qu’il exprime ici est de la plus haute importance. La déclaration qu’il fait a la valeur d’une vérité à laquelle il désire que tous ceux qui vivent sous sa souveraineté adhèrent. Elle est la conclusion à laquelle toute l’expérience de sa vie l’a amené. Nabuchodonosor n’a qu’un objectif en proclamant la conviction à laquelle son vécu l’a conduit : que la gloire qui revient de droit à Dieu Lui soit rendue, que l’Eternel, le Dieu d’Israël, soit reconnu pour ce qu’Il est, le Dieu unique et vrai ! Cette fin visée par le roi sera aussi celle à laquelle, selon l’apôtre Paul, aboutira l’histoire au sujet de Jésus, le Fils de Dieu : Philippiens 2,9 à 11. Heureux celui qui, dès maintenant, peut la faire sienne !

Le second rêve du roi : v 4 à 18

Le second rêve du roi met en lumière l’autorité qu’a acquise Daniel, depuis l’interprétation du premier songe, à Babylone. Même s’il y a loin d’un brisement total chez le roi, les diverses expériences par lesquelles il est passé avec Daniel et ses amis ont produit un effet bénéfique dans son cœur. Nabuchodonosor ne manifeste plus l’arrogance du passé. Il fait toujours appel à ses sages pour discerner le sens du songe qui l’a troublé, mais il ne fait plus preuve ni d’exigences inconsidérées, ni de menaces extrêmes au cas où il ne serait pas satisfait de leurs réponses : cf Daniel 2,5. Le vécu qu’il a de la réalité de Dieu, la présence de Daniel dans son royaume lui procurent une sécurité qui désamorce le stress qu’engendre chez lui la peur de l’inconnu.

Alors qu’il sait que Daniel est là, Nabuchodonosor choisit volontairement de ne pas s’adresser à lui en premier lieu pour comprendre la signification du nouveau rêve dont il a été l’objet. Ce choix pose question. Le roi de Babylone répugne-t-il encore à faire appel aux bons services d’un Juif déporté ? Ne le fait-il que par nécessité, en dernier recours, parce qu’il fait le constat désabusé qu’il n’a pas d’autres choix ? Chaque sollicitation de Daniel est quelque part un aveu de l’impuissance des dieux de Babylone à résoudre les grandes énigmes auxquelles il est confronté. Le fait que Daniel passe en dernier peut aussi avoir une autre raison. Elle tient à l’humilité de celui-ci. Bien que supérieur à tous les sages, Daniel n’est pas chaldéen. En tant qu’étranger, il tient à garder sa juste place sur le plan de la légitimité.  Daniel possède cependant un avantage sur ses « collègues ». Liés aux rois pour la pérennité de leurs charges, les sages du royaume n’ont pas vocation à être pour lui des porteurs de mauvaises nouvelles. Ils se doivent d’être positifs : cf 1 Rois 22,5 à 9. Seule l’indépendance d’un Daniel, dont l’allégeance est à Dieu, garantit au roi la certitude que la vérité toute crue lui sera dite : cf 1 Samuel 3,15 à 18.

Le second rêve du roi lui est donné pour une dernière raison. Jusque là, Nabuchodonosor n’a pas pleinement saisi qui est vraiment le Dieu de Daniel. Il le dit en préambule de son témoignage. C’est l’expérience par laquelle il va passer, qui est la réalisation concrète de son rêve, qui va l’y conduire. Avant celle-ci, Daniel est perçu par le roi comme un sage supérieur aux autres, mais pas encore comme le serviteur du seul et unique Dieu. Le monothéisme que le roi semble avoir confessé un temps : Daniel 2,47 n’est pas encore ancré en lui comme une certitude. Daniel, croit-il, a en lui le souffle, l’esprit des dieux saints, d’une catégorie de dieux supérieurs. Il faudra un brisement et une humiliation profonde pour que Nabuchodonosor reconnaisse qu’il y a ici plus que cela.

Explication du rêve : v 19 à 27

Si le premier rêve du roi touchait à son empire et ceux qui lui succéderaient, le second a une portée plus personnelle. Le symbole choisi par Dieu pour illustrer le message qu’il veut faire passer à Nabuchodonosor n’est plus statique (une statue), mais vivant (un arbre). La statue impressionne par son aspect colossal. L’arbre l’est aussi, mais l’image ajoute à cet aspect un caractère de vie, de sécurité, d’abri pour tous ceux qui vivent sous sa ramure. Tel est, dit Daniel, Nabuchodonosor pour tous ceux sur qui s’étend sa royauté.

La grandeur et la gloire attachées à son nom n’apportent pas que de l’ombre à ceux qui s’abritent sous ses branches. Daniel avertit le roi qu’elle en fait aussi à Dieu, le véritable souverain. Il y a toujours danger pour celui qui côtoie les étoiles de se prendre pour un dieu et d’oublier qu’il n’est qu’une simple créature : cf Esaïe 14,12 à 14. Daniel prophétise au roi un abaissement qui va le lui rappeler. Au faîte de sa grandeur, Nabuchodonosor sera humilié comme jamais. Par une folie soudaine, il sera ravalé au rang d’un animal. Le message de Dieu à l’adresse du roi est préventif. Celui-ci peut dans l’instant travailler à ce qu’il ne se réalise pas. Il suffit au roi d’en saisir la gravité et de tout mettre en œuvre pour changer de politique et de comportement, surtout envers les plus faibles de son royaume.

Notons que si Daniel est chargé d’apporter un message d’avertissement à Nabuchodonosor, il ne prend à aucun moment l’attitude de quelqu’un qui s’en réjouit. Au contraire ! Il fait preuve à l’égard du souverain d’une véritable empathie. Chargé de dire la vérité au roi de la part de Dieu, Daniel n’en oublie pas pour autant l’amour. Fidèle à sa mission, il l’accomplit en ne cachant rien de ses émotions. Le message ne lui est pas destiné, mais il le bouleverse tant qu’il en est affecté comme si c’était le cas. L’attitude de Daniel nous rappelle à quel point le porteur du message de Dieu est inséparable de son contenu. Nous ne sommes pas juste les hérauts de Dieu. Nous sommes des médiateurs entre Dieu et les hommes. Autant nous devons être pénétrés par l’Esprit et la Parole de Dieu, autant nous devons nous identifier à ceux à qui nous nous adressons. Amour pour Dieu et pour notre prochain doivent former en nous une unité indivisible. Ce que je dis aux hommes de la part de Dieu doit porter en lui à la fois le sentiment de la gravité divine et celui de l’identification humaine. A l’image de Christ, unique vrai médiateur entre Dieu et les hommes : 1 Timothée 2,5, nous sommes porteurs d’une double nature. Nous sommes à la fois fils de Dieu et fils d’homme. Que Dieu nous aide, à la place où il nous a mis, à ne pas privilégier l’un au point de léser l’autre !

Quoique la vision parle d’un châtiment sévère, elle ne laisse pas le roi sans espoir. Il y a toujours dans les paroles les plus sévères de Dieu, destinées à corriger, une note et une perspective de grâce. C’est vrai pour Israël : Deutéronome 30, c’est vrai aussi ici pour Nabuchodonosor. Après que l’arbre ait été abattu, le rêve révèle que sa souche restera, avec ses racines en terre : v 12. Il ne sera pas totalement détruit, mais subsistera et se relèvera. Le but de Dieu n’est pas que le méchant meurt, mais qu’il se convertisse et qu’il vive : Ezéchiel 18,23 ; 33,11.

L’histoire va montrer que, comme beaucoup de souverains, le roi n’écoutera pas. Son orgueil le lui interdit. Ce serait trop perdre la face. Ce qu’il n’a pas voulu faire de lui-même, Dieu l’y contraindra avec sévérité. On a toujours avantage à écouter Dieu ! Car, tôt ou tard, que nous le voulions ou non, nous devrons Lui céder et confesser que ce n’est pas nous qui sommes Dieu et Seigneur, mais Lui seul : cf Philippiens 2,9 à 11.

La réalisation du rêve : v 28 à 33

Sortie de la bouche de Dieu, la parole est en route vers son accomplissement. La parole de Dieu n’est jamais dite en vain. Partie de Dieu, elle ne revient vers Lui qu’après avoir fait ce qu’Il a dit, réalisé ce pour quoi elle a été envoyée : Esaïe 55,11. Nabuchodonosor qui, à deux reprises, a eu l’occasion de voir le Dieu de Daniel à l’œuvre, aurait dû le pressentir. Mais il est comme nous et comme la plupart des humains. Tant que nous ne sommes pas placés devant les faits, nous persistons à croire que les menaces de Dieu ne sont que des paroles données pour faire peur. Tels sont les moqueurs des derniers temps qui, à l’écoute du message du jugement, se convainquent, à cause des siècles qui sont passés depuis que l’annonce a été faite, qu’il n’aura jamais lieu : 2 Pierre 3,3-4. Soyons-en cependant persuadés : le jour du Seigneur viendra : 2 Pierre 3,10.

Sans être moqueur, il est possible que, les mois s’écoulant, Nabuchodonosor ait oublié le rêve qu’il fit et l’explication que lui en donna Daniel. Nous ne devrions jamais mépriser une parole reçue de la part de Dieu. Lorsque Dieu nous parle, il a un but. Il vise à ce que, immédiatement, nous nous mettions à l’œuvre pour mettre en pratique ce que nous avons entendu. A celui-là seul qui procède de la sorte, le bonheur est garanti : Jacques 1,25. Mais à celui qui écoute et qui oublie, il est inévitable qu’un jour, tôt ou tard, la parole de Dieu le rattrape. Que nous nous y conformions ou que nous la méprisions, soyons-en sûrs : la parole de Dieu se réalisera. Il ne parle jamais en vain !

Ce qui a perdu Nabuchodonosor était couru d’avance. Le roi, pour se perdre, n’avait pas besoin de quoi que ce soit de neuf dans sa vie. Il lui suffisait de continuer à être ce qu’il était. C’est ce qui se produisit, un matin comme les autres matins. Subjugué par la vue de Babylone qui s’étalait sous ses yeux, le roi se mit à exprimer à voix haute toute l’admiration qu’il se portait. A l’instant même, la parole orgueilleuse du roi entra en collision avec la parole souveraine de Dieu. Les dégâts furent à la hauteur de ce qui avait été annoncé. Frappé sur place, le roi perdit à l’instant ce qui faisait sa dignité et son humanité. A se vouloir l’égal de Dieu, il fut réduit à n’être qu’un animal. Son orgueil le fit basculer dans une telle folie qu’il fut chassé de son trône. Pour être terrible, l’humiliation n’avait qu’un but : que Nabuchodonosor, au lieu de se prendre pour un dieu, retrouve sa juste place, celle d’une simple créature. Or, le propre de toute créature, comme veut le rappeler Dieu au roi, est de ne pas être suffisante à elle-même, mais d’être consciente de sa totale dépendance de Dieu. Le rappel sévère à cette réalité ira pour le roi jusqu’à la perte de la raison.

Sommes-nous conscients de notre dépendance totale de Dieu ? Faisons-nous nôtres les paroles de Jean selon lesquelles un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel : Jean 3,27 ? Souscrivons-nous au témoignage de Paul affirmant que c’est par la grâce de Dieu seule que nous sommes ce que nous sommes : 1 Corinthiens 15,10 ?

Guérison et rétablissement du roi : v 34 à 37

Daniel avait prévenu le roi ! S’il ne changeait pas profondément d’attitude et de comportement, il serait délogé de sa place. L’humiliation ne serait pas brève. Elle durerait sept temps, ce qui correspond à sept années pleines : 4,22. Le délai fut tenu. Nous pourrions juger l’attitude de Dieu trop inflexible, dénuée de compassion. Nous aurions tort ! Il se peut, qu’étant malade, nous estimions que le traitement prescrit par le médecin soit trop sévère. C’est à son efficacité, et non selon le critère de  notre convenance, que celui-ci le juge adapté. Dieu n’agit jamais de façon arbitraire. Il sait exactement ce qui, dans l’arsenal des moyens qu’il a à sa disposition, est le plus à même d’opérer la guérison de notre folie. Pour se faire, le traitement ne doit pas être abrégé. Il doit se poursuivre jusqu’à ce que le but soit atteint. Le fruit qui résulte de l’humiliation subie par Nabuchodonosor justifie le bien-fondé de la rudesse du châtiment employé.

Après sept années vécues la tête par terre, le début du rétablissement du roi s’opéra lorsqu’il leva les yeux vers le ciel : v 34. Nous ne sommes jamais autant à notre juste place qu’au moment où nous mesurons l’infinie distance qui nous sépare, en tant que créatures, de Dieu notre Créateur. Convaincu de son néant, le fier Nabuchodonosor exprima les mots qui convenaient à sa condition face à celle de Dieu. Il ne se célébra plus lui-même, mais le seul qui est digne de l’être : Celui à qui appartient la domination véritable, qui est souverain sur tous les êtres créés, et à qui nul ne peut impunément résister ! Délivré de son orgueil, il le fut en même temps de sa folie. La cause guérie, les effets disparurent. Ayant retrouvé une raison saine, le roi, demandé par ses sujets, fut rétabli dans sa charge ! Au-delà de sa suffisance, il semble qu’il n’y avait pas plus capable que lui pour diriger le royaume ! Rétabli dans sa position élevée, Nabuchodonosor sut rester dans les limites que Dieu lui fixa. Quelle que soit la place que nous occupions, que la leçon qu’il apprit, celle de vivre de la grâce de Dieu, soit le principe à partir duquel nous vivions aussi.




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